Vivre sur Mars

Huit étudiant.e.s et doctorant.e.s de l’UCL viennent de rentrer d’une mission sur Mars. Ou plutôt de la station scientifique qui simule autant que possible les futures conditions d’un séjour martien.

Comme toute aventure spatiale, celle vers Mars commence par un parcours du combattant très terrestre. L’équipe candidate doit en effet d’abord postuler à la fois auprès de prédécesseurs et des responsables de Mars Society, organisation à qui appartient la base située dans le désert de l’Utah(1). « Cette reconnaissance se fait sur deux plans, explique Maximilien Richald, doctorant en chimie et commandant de bord. Chacun doit postuler pour un rôle précis – ingénieur, médecin, commandant de bord, etc. - tout en défendant des projets d’expériences scientifiques à mener pendant le séjour. Et ces projets sont souvent fort amendés par les responsables de la station. Il est en effet relativement « facile » de concevoir des expériences de laboratoire mais beaucoup plus difficile de les imaginer en tenant compte de la réalité que nous allions rencontrer dans la station : des expériences peu onéreuses, sans recours à des produits toxiques, pas de combustion, peu de puissance électrique, etc. » L’équipage reconnu, accepté – celui-ci était le crew 190 !-, encore faut-il trouver le ‘carburant’ qui permettra d’atteindre la station, à savoir l’argent. Commence alors une course aux sponsors qu’il faut convaincre. Troisième étape enfin, celle de la logistique, qui ne fut pas la plus simple.

Deux semaines de confinement

Début mars, l’équipe louvaniste pénètre donc dans la station pour une mission de deux semaines. La première journée est celle du passage de relais avec l’équipage descendant. Il y a en effet des règles strictes à observer : même si l’on n’est pas sur Mars, la station est située en plein désert, loin de toute zone habitée. Elle se compose essentiellement d’un cylindre de 8 m de diamètre, module principal dont le rez-de-chaussée est un atelier et le première étage sert de pièce de vie et abrite les chambres (plutôt des clapiers disent les participants !). Elle comprend aussi un module laboratoire en forme de demi-sphère, un petit observatoire abritant un télescope pour l’observation du soleil et un module de maintenance, notamment pour les véhicules. Premier point commun avec ce qui pourra être une station sur Mars : l’étroitesse des lieux qui oblige à vivre une expérience communautaire assez intense, l’isolement étant pratiquement impossible. Mais la similitude est poussée bien plus loin. « La moindre sortie exige de revêtir une combinaison semblable à celles que portent les astronautes, à emprunter un ‘sas de décompression’. En outre, lorsqu’on désirait s’éloigner de la base, il fallait en faire la demande au centre, préciser où on voulait se rendre, pour quelle raison, avec quel véhicule et nous devions toujours être au minimum trois : en cas d’accident, une personne doit toujours rester près de la victime tandis que la troisième va chercher les secours ! » Autrement dit, chaque sortie demandait presque une demi-journée de préparation… pour une promenade de 3 heures maximum, soit la durée des ‘réserves d’oxygène’, fictives elles aussi, bien entendu. « Pourtant, enchaîne Maximilien Richald, c’est lors de ces sorties que personnellement, je me suis le plus senti ‘sur Mars’, bien davantage qu’à l’intérieur de la station. »

La vie à la station : http://www.ucltomars.org/#!/news

 

Culture sur hydrogels et pain aux bactéries

Les deux semaines de présence dans la station ont été mises à profit pour remplir un programme scientifique chargé. Chacun des huit membres a ainsi réalisé diverses expériences scientifiques. Du côté des doctorants, Ariane Sablon, master en sciences biomédicales, s’est efforcée de produire du pain en utilisant des bactéries, naturellement présentes dans notre salive, en guise de levures : rien, ou presque, ne pourra en effet être apporté de la Terre, pas même de la levure ! Pharmacien, Martin Roumain, avait deux expériences à réaliser. La première consistait à étudier la dégradation de médicaments ; la seconde à étudier les effets du confinement sur la mémoire et les réflexes des autres membres de la mission. Deux expériences aussi pour Frédéric Peyrusson, également diplômé en pharmacie : tout d’abord examiner les stratégies d’adaptation et de survie de micro-organismes dans un environnement martien pour ensuite étudier l’effet de la présence d’hydrogels dans la terre sur la croissance des plantes. Informaticien et commandant en second de la mission, Michael Saint Guillain a élaboré la planification des tâches de la mission en prenant en compte le contexte contraint de l’environnement martien et la part d’incertitude qu’il contient. Enfin Maximilien Richald a étudié, pour le compte du Centre d’Etudes Nucléaires de Mol, le comportement de la spiruline, une cyanobactérie, qui pourrait être utilisée comme complément alimentaire dans l’espace. Il a également essayé de caractériser au mieux le sol de Mars qui pourrait accueillir des cultures. Côté étudiant, Sophie Wuyckens, étudiante en master en physique, s’est lancée dans l’utilisation d’un détecteur de muons, et ce, dans le cadre de son mémoire. Cette technique permettrait une « radiographie » par muons du paysage de l’Utah en vue d’une transposition sur Mars, afin par exemple de déterminer si des collines abritent des cavités propices à y installer des colonies. Etudiant bio-ingénieur, Mario Sundic a d’abord construit trois tours de culture hydroponique avec les matériaux les plus basiques qui soient. Celles-ci ont permis de cultiver des plantes sans terre et en optimisant l’espace . Etudiant ingénieur, Bastien Baix pour sa part a utilisé un drone pour cartographier la zone entourant la station.

Quelques expériences : http://www.ucltomars.org/#!/crews/190/projects

 

Des retombées ?

Ces expériences n’auraient-elles pu être menées en dehors de la station de l’Utah ? « En ce qui me concerne, non, répond Michael Saint Guillain, le sous-commandant du groupe. La planification de la mission devait évidemment se faire sur place. Pour les autres expériences, sans doute. Mais le but d’une telle mission est d’être au plus près des conditions réelles. Ce n’est que comme ça qu’on s’aperçoit des différences, des particularités… et des difficultés. Les échanges avec ‘la Terre’ c’est-à-dire les responsables de la Mars Society sont également très importants. Nous devions faire un rapport quotidien qui était ensuite analysé par le centre, leur soumettre la moindre demande. C’est à ce moment qu’on se rend compte combien les astronautes restent dépendants de la Terre. Enfin, nous savons que deux semaines, c’est très court au plan scientifique. L’objectif principal n’est pas de publier – d’ailleurs, à part moi, les autres doctorants ne vont pas utiliser cette expérience pour leur thèse !- mais bien de voir si ce que nous avons fait est exportable ailleurs ou non ».

Plus d’info : http://www.ucltomars.org/#!/

 

(1)L’équipage dont il est fait mention ici n’est pas le premier que l’UCL ‘envoie’ vers Mars. Mais les précédents étaient des initiatives d’étudiants, sans guère de liens organiques avec l’université. Quant à Mars Society, elle possède une seconde station, moins connue, dans le grand nord canadien.

 

Coup d'oeil sur la bio de Maximilien Richald

Commandant de la mission, Maximilien Richald a obtenu son diplôme d'ingénieur chimiste à l'institut Meurice de Bruxelles en 2015. Depuis lors, il poursuit un doctorat en chimie organique à l'Université catholique de Louvain au sein du laboratoire du Prof. Robiette (IMCN, MOST). Il travaille actuellement sur le développement d’une stratégie de formation de cyclopentène et diène-1,4  (réactifs utilisés dans nombre de synthèses organiques).

Coup d'oeil sur la bio de Michael Saint-Guillain

Michael Saint-Guillain a été le directeur exécutif (commandant en second) de l'équipage. Depuis 2013, il poursuit un doctorat en informatique à l'Université catholique de Louvain (ICTM/INGI) et, depuis 2016, à l'Université de Lyon. Il est spécialisé dans la recherche opérationnelle (un sous-domaine des mathématiques appliquées impliquées dans la planification et la prise de décision).

Publié le 19 avril 2018