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Lifestyle - Vin sur vin

Servir le vin, ou l’importance de chaque geste

Il y a le cru, puis le goût, la robe, mais il y a aussi, pour que ce moment soit sacré et réussi, les gestes justes. Servir un vin dans les meilleures conditions est la cerise sur le gâteau de ce moment sacré.

Joseph Eid/ AFP

Un des plus grands plaisirs qu'offre le vin, c'est ce moment de partage de saveurs, de sensations et d'émotions. Ce plaisir sera toutefois pleinement apprécié s'il est fait dans les bonnes conditions. Le « savoir-servir » est un élément essentiel, car un vin peut être totalement détruit par le non-respect de certaines règles élémentaires. Alors, suivez votre guide !

 

La préparation des bouteilles
Après avoir fait votre choix, il est nécessaire de placer les bouteilles quelques heures, voire une journée entière, dans la cave même, en position verticale. Et ceci que le vin soit jeune ou vieux, blanc ou rouge. Car certains vins présentent des dépôts qu'il n'est jamais très agréable de retrouver dans le verre. Ils ne sont pas nécessairement dus au vieillissement du vin, mais proviennent des interventions précédant la mise en bouteille et plus particulièrement de la filtration, qui est souvent extrêmement légère.

Il est donc préférable de prévoir « large » pour le nombre de bouteilles et d'être généreux, en calculant une bouteille par personne, tous vins confondus. Rien n'est pire que d'observer des verres vides ! Une bouteille peut également se révéler bouchonnée, voilà pourquoi il serait plus prudent d'ouvrir les bouteilles à l'avance. Pour le faire, il est d'usage, à l'aide d'un couteau ou d'un accessoire prévu à cet effet, de sectionner la capsule en dessous du bourrelet, puis d'essuyer les éventuelles moisissures en passant un papier absorbant, légèrement humide, sur le verre apparent et le dessus du bouchon. Ensuite, extraire le bouchon avec précaution à l'aide d'un tire-bouchon adapté (curieusement, les tire-bouchons sont très variés : les collectionneurs de tires-bouchons peuvent même paraître plus obsessionnels que les collectionneurs de vins !) et, si possible, éviter toute secousse. Sentir le bouchon (côté vin) puis goûter le vin.

 

L'aération et la décantation
La décantation, ou transvasement du vin de la bouteille originale dans un autre contenant (en général une carafe) avant de le servir, est nécessaire pour deux raisons : la première est de débarrasser le vin de tout sédiment solide, souvent amer, qui a pu se former dans la bouteille. Et l'autre raison, plus discutée, est d'aérer le vin, de l'exposer à l'oxygène.

Ce geste est souvent sujet à controverse, car son effet sur le vin est imprévisible. Une idée reçue complètement fausse circule, selon laquelle il ne faut mettre en carafe que les vieilles bouteilles chargées de sédiments. Mais en fait, ce sont les vins jeunes qui en tirent le plus de bénéfice.
L'air contenu dans le décanteur agit rapidement et efficacement. En quelques minutes ou quelques heures, selon le vin, on peut obtenir 2 fois plus d'odeur et d'arôme que prévu. Certain vins jeunes et puissants peuvent tirer profit d'une mise en carafe de 24 heures. Ces vins, tanniques et à forte teneur en alcool, supportent un passage en carafe plus long que les vins légers et vieux. Même des vins blancs très complexes, comme les bourgognes blancs ou certains champagnes, peuvent bénéficier d'une décantation qui les rendra plus séduisants que les vins rouges.

En règle générale, on choisira pour les vins jeunes et puissants une carafe à fond large, afin qu'une grande surface du vin puisse être en contact avec l'air. Décanter un vieux vin est, en revanche, une opération bien plus délicate, car elle risque, si ce dernier est particulièrement fragile, de l'abîmer de manière irrémédiable. Avant de procéder à l'opération, qui a pour but d'éliminer le dépôt qui s'est formé dans la bouteille, il faut s'assurer que le vin supportera l'opération. On choisira alors une carafe étroite et on décantera le vin juste avant de le servir.

Il y a aussi ceux qui s'opposent catégoriquement à la décantation des vins, car pour eux, le risque d'en perdre les arômes et le fruit est bien plus grand dans ces conditions. Il évoluera plus rapidement. Cette opération provoquant un choc brutal entre le vin et l'air, certains vieilles bouteilles peuvent rapidement perdre de leur charme.
L'autre idée reçue prétend que déboucher une bouteille et la laisser ouverte pour la faire respirer aurait un réel effet sur le vin. Or, le but n'est pas d'aérer le vin, et les quelques centimètres carrés de contact avec l'air ne permettent pas la moindre évolution des 75 cl que contient la bouteille.
Enfin, l'expérience et le goût personnel restent les guides les plus sûrs pour prendre sa décision.

 

L'ordre de dégustation
« Le vin que l'on boit ne doit pas faire regretter celui que l'on vient de boire. »
La succession des vins doit aller crescendo, du plus léger au plus riche. Les vins blancs doivent précéder les vins rouges ; les vins jeunes, les vins vieux. Toutefois cette règle n'est pas absolue, car certains vins blancs peuvent parfaitement passer après des rouges. Il peut se révéler très agréable de revenir en fin de repas, au moment du fromage, sur un vin blanc ; tout comme il serait regrettable de servir un vieux vin délicat et subtil derrière un jeune cru au fruité explosif et à la matière dense. En règle générale, il vaut mieux établir l'ordre de service des vins en fonction de leur puissance et de leur corpulence. Les vins vifs et frais seront parfaits pour démarrer le repas, on montera ensuite en puissance pour terminer sur les liquoreux ou les vins mutés.

 

La température de service
C'est là un point d'une extrême importance, car le vin peut être totalement détruit par le non-respect de certaines règles élémentaires. Le froid a sur le vin plusieurs incidences : celle de bloquer les arômes, d'accentuer sa vivacité (ou son acidité) et de durcir ses tanins. La chaleur provoque l'effet inverse. Elle donne une sensation brûlante et alcoolisée. Pour tous les vins, il est important de respecter la faible marge de manœuvre qui varie selon l'appellation, le type (sec ou doux) et l'âge. Il est également indispensable de considérer qu'un vin dans un verre s'élève très vite en température et que si la pièce est chauffée, il prendra en quelques minutes plusieurs degrés supplémentaires à ceux prévus initialement. Ainsi, faut-il prévoir deux à trois degrés de sécurité selon la pièce ou la saison.
Une dernière règle importante à respecter : éviter le choc des températures, ne pas rafraîchir brusquement un vin blanc un peu tiède ou réchauffer un vin rouge un peu frais. Cela peut complètement bloquer un vin.

 

Les verres
« À quoi reconnaît-on un bon restaurant ? Les verres à vin y sont plus grands que les verres à eau » (Frédéric Beigbeder).
Le verre est la dernière étape importante avant que le vin ne touche vos lèvres. Il doit être à pied, resserré dans sa partie supérieure afin de concentrer les arômes du vin. La partie qui est appelée à entrer en contact avec la bouche doit être aussi fine que possible pour se faire tactilement oublier au profit du seul vin. Là aussi, pas de motif, ni de gravure ni d'incrustation. Les verres régionaux sont souvent plus folkloriques qu'utiles. Il vaut mieux porter son choix sur un bon verre en cristal qui valorisera l'alcool et que l'on pourra utiliser en toute circonstance, plutôt que sur un accessoire cherchant à s'imposer par sa forme et son modèle.

On dit aussi que les angles des verres influencent énormément la sensation tannique d'un vin. Un verre large vers le bas va offrir un angle plus important. Le choc des tanins avec la paroi du verre sera ainsi plus puissant et la sensation tannique plus agressive. Voilà pourquoi il est conseillé d'utiliser des verres larges pour les vins blancs et les vins de Bourgogne, des verres plus étroits pour les vins plus structurés comme les bordeaux, les vins du Rhône, ou encore ceux du Nouveau Monde.

Le chiffre 1795

L'année d'attribution du premier brevet pour un tire-bouchon, à vis et à écrou en forme de T, à l'Anglais Samuel Henshall.

L'accord mets et vin

Avec l'été qui pointe et son lot de barbecues, pour accompagner les différentes grillades, un rosé de Provence ou un jeune rouge des Côtes du Rhône ou du Beaujolais.

La personnalité

Éric Beaumard, le Brummell du vin Il se destinait à la cuisine, mais un accident l'a mené au vin. Autodidacte, Éric Beaumard est l'un des plus grands sommeliers du monde, malgré un bras infirme, régnant depuis plus de quinze ans sur la cave et le restaurant du majestueux hôtel George V à Paris.

Originaire de Bretagne, il s'initie à la cuisine en 1978. Après une période d'apprentissage animée d'une grande motivation, il débute comme commis cuisinier dans différentes maisons, jusqu'en 1981. L'année 1982 décidera autrement de son avenir. Un accident de moto ralentit son début de carrière en le privant provisoirement de l'usage de son bras droit. En 1984, après plusieurs mois de convalescence, Éric Beaumard retrouve le chemin des cuisines à la Maison de Bricourt à Cancale. Il y exerce son métier de cuisinier durant six mois ; à l'initiative et sur les conseils de son chef Olivier Roellinger, il s'oriente vers le vin et le métier de sommelier. Une nouvelle passion est née, un nouveau talent aussi.
De 1984 à 1987, il est sommelier dans différents établissements, tout en continuant d'étudier avec ferveur l'art du vin.
Il sera lauréat de tous les concours de sommellerie qu'il présente. En 1987, il a décroché le titre de meilleur jeune sommelier de France, ce qui lui permettra d'intégrer le restaurant doublement étoilé, La Poularde. En 1992, il est meilleur sommelier de France, puis meilleur sommelier d'Europe au trophée Ruinart en 1994. En 1998, il obtient le titre de vice-champion du monde au concours du meilleur sommelier du monde, et en 2003, il est élu sommelier de l'année par la revue Le Chef. En 2015, il publie Les vins de ma vie, un livre dans lequel il recense plus de 70 propriétés et domaines viticoles d'exception.

En 1996, Éric Beaumard intègre l'équipe du Four Seasons Hotel George V et prend la direction du restaurant. Épaulé par Thierry Jacques – ancien de Taillevent – et Patrice Jeanne – ancien du Plaza Athénée – en qualité de directeurs adjoints, il orchestre désormais une équipe de 48 personnes. En toute confiance, Didier Le Calvez, directeur général de l'hôtel parisien, a donné la mission à Éric Beaumard de créer la cave du Cinq (restaurant 3 étoiles au guide Michelin de l'hôtel George V à Paris). Sa passion pour l'authenticité, la diversité et la richesse des grands terroirs viticoles mondiaux résonne à travers une carte remplie de coups de cœur. Là où les vignerons, par leurs talents, produisent leurs vins, Éric Beaumard essaie de les marier intimement avec la cuisine de Christian le Squer, cuisinier du Cinq.

*Ingénieur agronome de formation, diplômé en œnologie de l'Université de Bourgogne à Dijon, Louis Tannoury a obtenu un master en commerce international des vins et spiritueux. Après quelques années d'expérience dans le vignoble bourguignon, il est actuellement importateur et distributeur de vins au Liban (Terroirs-Y-Seleccion).

 

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